Le groupe aéronautique a annoncé que Jim Albaugh, à la tête de la division défense, va quitter ce poste pour prendre les rênes de la division de l’aviation civile. Il va donc piloter la réalisation du B787 «Dreamliner» qui essuie des retards en chaîne.
Nouveau jeu de chaise musicale chez Boeing. Le constructeur aéronautique américain a annoncé hier le remplacement de Scott Carson, 63 ans, par Jim Albaugh, 59 ans, à la tête de la division aviation civile.
Le premier quittera le groupe fin 2009 pour prendre sa retraite après avoir passé 38 ans au sein de Boeing. Quant au second, entré chez Boeing en 1975 au poste d’ingénieur, il quitte la division aéronautique militaire. D’emblée, Boeing a insisté sur le fait que ce changement d’hommes n’était pas la conséquence du nouveau retard du programme B 787 rendu public la semaine dernière.
Retards en chaîne
Malgré ces dénégations, Scott Carson paie bien ce cinquième retard qui porte à deux ans et demi le décalage du programme phare de Boeing en matière de long courrier de nouvelle génération. All Nippon Airlines (ANA), la compagnie de lancement d’appareil, aurait dû recevoir son premier exemplaire en mai 2008. Boeing, qui a changé cinq fois de date, le promet désormais pour fin 2010.
Plus fâcheux, le B 787 n’a jamais volé et souffre d’un problème de structure (notamment sur une section de fuselage qui relie l’aile au corps de l’avion) contrairement à l’Airbus A 380. Ce dernier avait connu un problème d’organisation industrielle mais pas de structure, et il était au rendez-vous, presqu’au mois près, pour son vol inaugural en avril 2005. Le premier vol du B 787 était à l’origine prévu en septembre 2007.
Depuis, plusieurs managers ont payé leur tribu au retard du B 787. En octobre 2007, Mike Bair le patron du programme est remercié après que Boeing a annoncé un décalage de six mois du premier vol. Aujourd’hui, Boeing « tape » plus haut en coupant la tête de la grande division civile.
Le patron des contrats manqués
Que va changer l’arrivée de Jim Albaugh ? Certains s’interrogent sur sa légitimité alors qu’il est «le patron des contrats manqués». Ces dernières années, la division militaire de Boeing a perdu tous les appels d’offre du Pentagone. C’est Northrop Grumann qui a remporté celui pour les patrouilleurs tandis que le F-35 dit Joint Strike Fighter de Lockheed Martin a été sélectionné par l’armée de l’air américaine. Quant au contrat géant pour renouveler la flotte d’avions ravitailleurs, c’est bel et bien Airbus associé à Northrop Grumann qui avait gagné la compétition en février 2008 (mais le contrat a été annulé en pleine campagne présidentielle aux Etats-Unis et un nouvel appel d’offres doit être rouvert d’ici la fin 2009).
Les retards à répétition du B 787 ont mis en lumière plusieurs éléments que Jim Albaugh devra régler. Boeing a manifestement un problème de circulation de l’information en interne. Comment expliquer autrement que Scott Carson ainsi que Jim Mc Nerney, le PDG du groupe, aient affirmé mi-juin au salon aéronautique du Bourget que le B 787 était prêt à décoller avant le 30 juin pour finalement annoncer le 23 juin, que le premier vol était, une fois de plus retardé ?
Les matériaux et l’externalisation en cause
Boeing fait face à un programme technique majeur lié à l’emploi massif de composites, matériaux moins souples que l’acier. Mais aussi à une organisation industrielle nouvelle basée sur l’externalisation également massive de pans entiers de l’avion (70%) à de grands partenaires tandis que Boeing se recentrait sur la conception, le design et l’assemblage.
Cet été, le constructeur a opéré un virage à 190 degrés en modifiant son modèle industriel, certains grands partenaires ne suivant pas le rythme du programme et ne réussissant pas à fournir la qualité voulue par manque d’expertise. Boeing a repris le contrôle d’une usine basée à Charleston qui était gérée conjointement par l’équipementier italien Alenia et l’américain Vought.
Véronique Guillermard (lefigaro)