mardi 19 octobre 2010

Latécoère : Attention au décollage difficile de ce héros de l’aviation



Société mythique fondée en 1917 à Toulouse et largement à l’origine de l’implantation de l’industrie aéronautique dans la Ville rose, Latécoère a fait figure de pionnier dans l’entre-deux-guerres, notamment avec ses lignes long-courriers de l’Aéropostale, sur lesquelles s’illustrèrent, entre autres, Mermoz et Saint-Exupéry.
Depuis lors, Latécoère s’est recentrée sur une activité d’équipementier aéronautique. La majorité de son chiffre d’affaires est effectuée dans les éléments de structure des avions (tronçons de fuselage, portes, etc.) et un tiers des ventes est réalisé dans le câblage embarqué.
L’entreprise toulousaine dispose d’indéniables atouts. Latécoère, qui figure parmi les leaders mondiaux dans la plupart de ses spécialités, intervient sur l’ensemble des segments du marché (avions commerciaux, régionaux, d’affaires ou militaires). Le groupe dispose d’une bonne implantation internationale, notamment dans des pays à moindre coût de main-d’oeuvre (Brésil, Tunisie, Roumanie).
La crise a toutefois sérieusement affecté le domaine aéronautique. Face à des compagnies aériennes à la peine, retards dans les commandes ou allongement des délais de livraison ont bien souvent été de mise. Cependant, le secteur a retrouvé des couleurs en 2010. Les raisons : une augmentation de la demande de la part des compagnies aériennes, principalement asiatiques et du Moyen- Orient, et la baisse relative de l’euro par rapport au dollar. Les valeurs aéronautiques, notamment les équipementiers, ont, dans l’ensemble, signé cette année des parcours remarquables en Bourse.
Latécoère n’a toutefois que peu profité de cette récente embellie. Le groupe a été particulièrement touché par le retournement conjoncturel. En 2009, son chiffre d’affaires a plongé de 22%, à 450 millions d’euros, et le résultat net a lourdement chuté dans le rouge, avec 91 millions d’euros de pertes. La société a croulé sous un endettement abyssal. Comme les covenants bancaires ne sont plus respectés, l’action a même été suspendue pendant plus de cinq mois (jusqu’au 21 mai dernier) à la Bourse de Paris.
Finalement, le groupe a pu renégocier sa dette, indique Investir, et en a transformé 20% du montant en obligations convertibles. L’hebdomadaire, comme son confrère Le Journal des finances, relève un début de redressement des ventes (+2,6%) au deuxième trimestre 2010. Mais cette fragile amélioration laisse sceptiques les deux médias financiers qui, l’un comme l’autre, préfèrent rester à l’écart de la valeur.
Plus que les résultats trimestriels, c’est, notent les deux journaux, la nomination de Pierre Gadonneix, l’ancien patron d’EDF, en tant que président du conseil de surveillance qui retient l’attention. L’objectif affiché de ce dernier est clair, souligneInvestir : intégrer la société au processus de consolidation du secteur, autrement dit fusionner ou se faire racheter par un concurrent.
Mais la dette nette reste globalement très élevée : 351 millions d’euros fin juin, pour seulement 140 millions d’euros de fonds propres, indique le confrère Le Journal des finances, dont, de plus, une partie non négligeable devra être remboursée dès 2012-2013. Le carnet de commandes (2,2 milliards d’euros) est certes confortable et l’activité devrait effectivement montrer de meilleures dispositions au cours du deuxième trimestre de cette année. Toutefois, le candidat à un rapprochement éventuel ne semble pas facile à trouver et l’action Latécoère, en dépit de la situation financière précaire de la société, est relativement chère, estime Investir, avec une valeur d’entreprise égale à 0,9 fois l’activité.
Dans ces conditions, une alliance capitalistique ne se traduirait donc pas obligatoirement par une remontée significative du cours du titre. La visibilité sur cette société bien risquée reste toujours des plus faible.
Source : Denis Sarget, moneyweek.fr