mercredi 20 octobre 2010

France : La filière aérospatiale, leader méconnu et menacé


L'Ile-de-France fait la course en tête sur quatre marchés majeurs du secteur : le spatial, l'aviation d'affaires, la propulsion et les équipements. Le pôle de compétitivité ASTech vient d'être chargé d'animer la filière, qui continue de perdre des emplois et des savoir-faire.
Un grand malentendu ! La filière aéronautique et spatiale francilienne n'est pas appréciée à sa juste valeur. Qui sait que l'Ile-de-France abrite la plus grande activité aérospatiale de France, et même d'Europe ? Premier bassin d'emplois, plus grand nombre d'entreprises, plus gros potentiel de recherche... La région capitale fait la course en tête sur quatre marchés majeurs : le spatial, l'aviation d'affaires, la propulsion et les équipements. « La prise de conscience que la région est numéro 1 est toute récente », assure Olivier de l'Estoile, le président d'honneur d'EBAA France (European Business Aviation Association). La filière aéronautique fait partie des six filières identifiées comme prioritaires dans le contrat de projets signé par l'Etat et la Région Ile-de-France pour la période 2007-2013.
« Lorsqu'on évoque l'aéronautique, on parle beaucoup de Midi-Pyrénées ; or, l'Ile-de-France pèse à elle seule plus que l'Aquitaine et le Midi-Pyrénées réunies », rappelle Gérard Laruelle, le directeur général du pôle de compétitivité aéronautique ASTech Paris Région.
La visibilité du secteur s'est atténuée au fil des années. Il y a d'abord eu, dès les années 1960, le transfert de la prestigieuse Ecole nationale supérieure de l'aéronautique et de l'espace (Supaéro) à Toulouse, puis le fort développement de l'activité aéronautique en Midi-Pyrénées et en Aquitaine, suite à la décentralisation d'établissements initiée par l'Etat.
Fertilisation croisée dans la haute technologie
La montée en puissance du programme Airbus a vu le départ progressif des activités de production de la région capitale. « Les avions ne sortent plus d'ici. Nous fabriquons des morceaux d'Ariane, mais les fusées sont assemblées en Guyane », regrette Gérard Laruelle.
Outre un tissu de sous-traitants diversifié et des activités d'intégration de systèmes, c'est en Ile-de-France que l'on trouve le plus de laboratoires de recherche (réunissant 43 % des dépenses nationales de R et D). Revers de la médaille, la filière francilienne continue de perdre des emplois.
Et pourtant, la région cumule des atouts de taille. « La fertilisation croisée entre les nombreux secteurs de haute technologie franciliens est porteuse. Par exemple, la machine de soudure pour avions innovante que nous venons de mettre au point pourra être testée dans d'autres entreprises, notamment dans la recherche pétrolière », indique Philippe Merle, le PDG d'Aerosys (200 salariés) à Houdan (Yvelines). La concentration de la recherche dans les systèmes « électriques » est un autre avantage. « A l'instar de l'automobile ou de l'aéronautique militaire, les systèmes électroniques prendront de plus en plus de place dans les avions de ligne. Et l'Ile-de-France deviendra incontournable », pronostique Juvelino da Silva, le PDG de la société Erte à Saclay (Essonne) et vice-président du pôle ASTech en charge des PME. Six des quinze projets labellisés par ASTech sont liés à cette thématique d'avenir.
Le secteur devra engager une forte mutation
La région peut compter sur des territoires en plein développement. Melun-Villaroche (Seine-et-Marne), où est installé Snecma (5 000 salariés), tente d'attirer de nouvelles PME-PMI du secteur à côté des sous-traitants du motoriste. La plate-forme aéroportuaire du Bourget en Seine-Saint-Denis (1 milliard d'euros de chiffre d'affaires, quelque 8 000 emplois directs et indirects) va bénéficier d'un plan d'aménagement qui en fera le pôle phare de l'aéronautique régionale (lire ci-dessous). La filière francilienne n'en continue pas moins de perdre des emplois et des savoir-faire. Evolution des réglementations, intégration de plus en plus massive de matériaux composites dans les appareils, restructurations chez les donneurs d'ordres... Entre 1997 et 2007, la filière a enregistré une forte diminution de ses effectifs : - 21,7 %, selon la Drire Ile-de-France.
« Il va falloir répondre au manque de formations. D'ici à 2010, l'ensemble de la filière va perdre 25 % de son personnel qualifié », avertit Hoang Bui, directeur adjoint du pôle développement durable et innovation à la Drire Ile-de-France. Enfin, le secteur devra engager une forte mutation. « Sous la pression des donneurs d'ordres, on assistera dans les années qui viennent à la nécessaire réduction du panel de sous-traitants et à une forte concentration des entreprises », prévient Hoang Bui. La Drire Ile-de-France vient ainsi de lancer un plan, qui court jusqu'en 2011, pour accompagner le millier de PME travaillant pour l'aéronautique et le spatial. Ce plan, doté de 7 millions d'euros par l'Etat et la Région, porte à la fois sur l'intelligence économique, le développement à l'international et la présence sur des salons.
ASTech est chargé d'animer la filière. Né il y a seulement deux ans, le pôle de compétitivité a néanmoins connu un démarrage fulgurant. « La sauce a tout de suite pris », assure Hoang Bui. Réunissant une centaine de partenaires, dont 60 PME, ASTech affiche 19 projets de R et D qui mobilisent 37 millions d'euros de subventions.
« Sur les sept pôles franciliens, c'est celui qui détient le plus fort taux de réussite pour les projets de recherche et développement. Trois sur quatre ont été retenus et financés », précise Gérard Laruelle. Un élément de consolation pour ASTech, classé dans les pôles à vocation nationale, alors que son concurrent du Sud-Ouest, Aerospace Valley, arbore fièrement un label à vocation mondiale.

Source : usinenouvelle.com